Brèches chromatiques: série de collages dans la ville de Thiers

En janvier 2025, j’ai eu l’occasion d’xpérimenter le collage en grand format dans la ville de Thiers. La vallée des usines en contrebas, à la fois fascinante et inquiétante, le centre-ville médiévale dont les fenêtres des maisons abandonnées sont rendues opaques par la poussière, les portes entre-ouvertes sur des intérieurs abandonnés, la grisaille, l’hôpital en ruine… J’ai perçu cette ville comme un terrain de jeux, et décidé d’y faire une résidence de recherche d’une semaine dans le tiers-lieu « l’Hôtel des Curieux ».

J’ai d’abord repéré que les ouvertures, portes et fenêtres, d’une grande partie des batiments du centre-ville, étaient scellées par des plaques de contreplaqué en bois. J’ai pris les mesures de ces éléments, les apercevant comme des espaces parallèles, des interstices parfaits pour y intégrer mes collages, que j’ai découpés aux dimensions exactes de ces espaces.

J’ai choisi le papier et l’art du collage par nature éphémère, pour investir les interstices des architectures en ruine, que le temps a épuisé. Chaque composition, réalisée en grand format et comme pièce unique, s’apparente à un totem en équilibre, où les formes géométriques s’empilent comme des modules architecturaux. Elles évoquent des constructions fragiles et symboliques, en résonance avec l’état des bâtiments sur lesquels elles prennent place. Ce projet joue avec les rythmes visuels, les rapports de couleurs et les contrastes, pour réinvestir l’espace urbain de manière poétique et contemporaine.

Mes collages interagissent avec les supports bruts et s’infiltrent dans des lieux désertés, marqués par le temps: façades noircies, béton craquelé, bois moisi, poussière accumulée. La couleur devient un geste de réanimation de l’atmosphère délabré de la ville, donnant à voir une nouvelle vision de ces lieux abandonnés.

Ils interrogent notre rapport à la transformation urbaine, à l’occupation des vides et à la mémoire des espaces désertés. Chaque intervention invite à porter un regard nouveau sur ces zones oubliées. Là où l’urbanisme oublie, où le temps délite, le collage s’infiltre comme une couche temporaire et une occupation fugace mais marquante. Il ne recouvre pas, il ne cache pas: il épouse les brèches, prolonge les lignes, dialogue avec le passé. L’interstice est un espace de potentiel, un entre-deux où tout peut advenir. Ces lieux laissés à l’abandon ne sont ni complètement vides ni pleinement présents : ils sont en suspension, figés dans un état transitoire.

Vous pouvez voir tous mes collages répertoriés sur une carte intéractive.